2011(7) : AIMA Assemblée générale de septembre 2011 en Roumanie

Discours de clôture

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AIMA – 2011 (Slobozia – Roumanie)

Discours de clôture de l’assemblée générale

par le nouveau Président François Sigaut

 

Chers collègues, chers amis,

Vous venez de m'élire président de l'AIMA. C'est pour moi un très grand honneur, et je veux dire ici que j'éprouve un sentiment de gratitude intense pour tous ceux qui m'en ont jugé digne. Mais je dois dire aussi que c'est une vraie responsabilité. Cela fait quarante-cinq ans que l'AIMA existe, depuis le congrès de Lednice en 1966. J'en suis membre depuis le congrès de Reading en 1976. Et j'ai participé à assez de congrès depuis cette date pour me persuader de son intérêt et de sa vitalité. L'AIMA est une institution utile, et dont la nécessité ne fait que s'accroître avec les changements de plus en plus profonds qui affectent les agricultures du monde entier. Mais pour répondre à ce qu'on est en droit d'en attendre, l'AIMA doit se renforcer et se développer. C'est la tâche que je vais m'efforcer de remplir dans les trois années qui viennent.

Ces années seront courtes. J'aurai bientôt 71 ans, ce qui ne me laisse que peu de temps. J'ajoute, autre handicap, que je ne suis pas un professionnel des musées mais un universitaire et un chercheur. Il est vrai que ma spécialité – l'histoire des techniques agricoles – m'a conduit depuis longtemps à prendre conscience du rôle irremplaçable des musées lorsqu'il s'agit de comprendre la diversité des agricultures d'autrefois. Mais la gestion proprement dite des musées exige des compétences nombreuses et précises que je ne possède pas. Je suis un usager des musées, un usager assidu et fidèle peut-être, mais qui n'y a jamais exercé de responsabilité directe. Et si j'ai quelques idées sur ce sujet, j'ai conscience de ce qui leur manque : l'expérience pratique. Ce qui m'obligera d'autant plus à la prudence.

L'AIMA est à un tournant de son histoire. Il faut évidemment poursuivre ce qui a été engagé et qui fonctionne depuis 1966 à la satisfaction générale : un congrès tous les trois ans dans un pays différent. Mais le problème du prochain congrès n'est pas résolu. Je dois dire que, contrairement à nos traditions, je ne souhaite pas que le CIMA XVII se tienne en France (où le CIMA VII a déjà eu lieu en 1984). Cela pourra se faire si aucune autre solution n'est possible. Mais auparavant, je tiens à explorer toutes les autres possibilités. Je pense bien sûr à la Bulgarie, où je souhaite qu'une mission du présidium puisse se rendre dans les meilleurs délais pour se rendre compte de la situation, si notre collègue Zdravka Michailova en accepte l'idée. Mais je pense aussi à des pays non-européens. Les activités de l'AIMA ne doivent pas rester limitées à l'Europe. Nous avons parmi nous des membres nord-américains et japonais. Mais il existe des musées d'agriculture en Égypte, en Inde, en Indonésie, en Chine, etc., en attendant qu'il s'en crée en Algérie, au Sénégal et ailleurs encore. Il n'y a pas, je crois, de meilleur moyen d'aider ces pays que d'aller les visiter. Les délais sont brefs, et il n'est pas dit que nous allons réussir tout de suite. Raison de plus pour commencer le plus tôt possible. L'éventualité d'un prochain CIMA dans un de ces pays doit être concrètement envisagée dès maintenant.

Ce qui signifie que certaines de nos règles doivent être amendées. La préparation d'un congrès est en elle-même une tâche très lourde, qui ne laisse guère au président le loisir de s'occuper d'autre chose. Or il y a d'autres choses, et de plus en plus. Ces tâches diverses sont présentées dans le projet de Plan stratégique 2011-2013, rédigé par Debra Reid en juillet dernier. Je ne vais pas commenter ce plan ici. Je me borne à en reprendre quelques points que je crois particulièrement importants.

Il y a d'abord tout ce qui concerne le fonctionnement régulier de l'AIMA en tant qu'institution. Qui est membre ? Comment, par qui les décisions doivent-elles être prises et validées ? Comment faire circuler l'information ? Ces questions et bien d'autres renvoient à une quantité de petits problèmes de détail, qui peuvent paraître accessoires, mais qui doivent être résolus si nous voulons être pris au sérieux par les institutions nationales et internationales (ICOM, FAO...) avec lesquelles nous souhaitons collaborer. Et plus généralement, c'est l'image que nous donnons à l'extérieur qui est en jeu.

En second lieu, je crois qu'il faut élargir le cadre de nos congrès. Que le thème principal soit choisi par le pays organisateur, c'est un principe de base auquel il ne faut surtout rien changer. Mais tous les congrès scientifiques internationaux offrent à leurs participants, à côté du thème principal, la possibilité de discuter d'autres thèmes, qui sont imposés par leur actualité ou par d'autres causes. Nous devons faire de même. À chaque congrès il faudra prévoir un temps disponible pour des ateliers libres, organisés à l'initiative de groupes thématiques sur des sujets de leur choix – à condition naturellement que ces sujets entrent dans le cadre général qui est celui de l'AIMA.

En troisième lieu, enfin, nous devons pouvoir discuter, non seulement de questions d'histoire proprement dite, mais aussi de tout ce qui intéresse le fonctionnement pratique de nos musées : questions relatives à la muséologie proprement dite (collecte, conservation, documentation des objets, pédagogie des expositions...) ; relations des musées avec les pouvoirs publics, avec l'enseignement et la recherche, avec les agriculteurs et leurs organisations professionnelles, etc. ; partage des tâches entre musées, archives, bibliothèques, collectionneurs, banques de données... On pourrait allonger cette liste, je préfère qu'on n'y voie que quelques exemples parmi d'autres.

Permettez-moi encore de revenir sur un point que je crois essentiel, la comparaison. On a trop longtemps cru que pour comprendre l'infinie diversité des agricultures du monde, il suffisait de faire appel à un évolutionnisme un peu sommaire. Ce n'est pas que je veuille minimiser l'importance du progrès, bien au contraire. Mais il ne faut pas oublier pour autant que toutes les agricultures ont leur rationalité, en ce sens que toutes sont des réponses fonctionnelles aux circonstances d'un temps et d'un lieu donnés. C'est cette rationalité qu'il s'agit d'atteindre, et il ne suffit pas pour cela de bien décrire telle ou telle agriculture, il faut encore la comparer avec d'autres. S'intéresser aux agricultures étrangères, c'est aussi une nécessité pour comprendre au fond ce que sont les nôtres.

J'en viens enfin à mon dernier point, qui porte sur l'image de l'agriculture, tant chez les non-agriculteurs que chez les agriculteurs eux-mêmes. Il y a encore un siècle, tout le monde ou presque était, soit agriculteur, soit voisin d'agriculteurs. Dans nos pays dits développés aujourd'hui, l'agriculture est devenue une activité si minoritaire qu'elle est devenue presque invisible, et que les jeunes, surtout, n'en connaissent pratiquement plus rien. Ce qui laisse la place à des images plus caricaturales les unes que les autres, allant de celle du paysan arriéré à celle de l'entrepreneur qui pollue tout sans scrupules. Combattre ce genre d'images dans le public est plus nécessaire que jamais. Mais il y a aussi la question de l'image que les agriculteurs se font d'eux-mêmes. En réfutant les caricatures, les musées d'agriculture peuvent les aider à reprendre dans la société une place que la diminution de leur nombre tend à leur ôter.

En quarante-cinq ans d'existence, l'AIMA a acquis une expérience dont il ne faut rien laisser perdre : c'est l'objectif de la continuité. Mais le monde change, et l'AIMA doit élargir en conséquence le cadre de ses activités. C'est à ces deux tâches que les membres du Présidium, le secrétariat et moi-même allons nous atteler.

Une dernière fois, merci à tous,

 

F. Sigaut

 

 

Closing Speech to the CIMA XVI General Assembly

By the new President of the AIMA, François Sigaut

 

Dear Colleagues and Friends,

You have just elected me President of the AIMA. This is a great honour for me and I would like to say that I feel an intense gratitude to all of you who believe I am worthy of this task. However, I must also add that it is a true responsibility. The AIMA has been in existence for forty-five years, since the Lednice congress in 1966. I have been a member since the 1976 Reading conference, and I have taken part in enough congresses since then to be convinced of the interest and vitality of the AIMA. The AIMA is a useful institution, the necessity of which has only grown with the more and more radical changes affecting agriculture throughout the world. In order to respond to what must be expected of us, the AIMA has to be strengthened and further developed. This is the task I shall commit myself to in the next three years.

Time is short. I will soon be 71 years old, which does not leave me too much time. I should add to that another handicap – that I am not a museum professional, but a university professor and researcher. It is true that my specialty – the history of agricultural technologies – has long since led me to be very aware of the irreplaceable role of museums in understanding the diversity of earlier agricultures. However, managing a museum requires many and particular competences that I do not possess. I am more a museum user, a regular and faithful one perhaps, but who has never had a direct responsibility for one. Furthermore, if I do have some ideas on the subject, I am very aware of what is missing: practical experience. This will obligate me to be even more careful.

The AIMA now stands at a turning point in its history. We must obviously pursue all that has been undertaken and has worked well since 1966, to the satisfaction of everyone: a congress held every three years in a different country. However, the issue of the next congress has not yet been resolved. I must say that, in accordance with our traditions, I do not wish to see the CIMA XVII held in France (where the CIMA VII was held in 1984). This is an option, only if no other solution arises. First of all, I urge you to explore all other possibilities. Of course, I am thinking of Bulgaria, where I would like to see a Presidium mission go as soon as possible to appraise the situation, if our colleague Zdravka Michailova would accept this proposal. However, I am also thinking of non-European countries. The activities of the AIMA must not remain limited to Europe and we have North American and Japanese members. There are also agricultural museums in Egypt, India, Indonesia, China, etc., and we are awaiting the creation of others in Algeria, Senegal and elsewhere. I believe there is no better way to help these countries than to go and visit them. Time is short and it is not certain we can succeed here immediately. This is a reason to begin working as soon as possible. The idea that the next CIMA could be in one of these countries must be concretely investigated now.

This means that some of our working rules must be amended. Preparing a congress is a very difficult task, which does not leave the President much time for anything else. But there are other things, more and more, in fact. These tasks are set out in the 2011-2013 Strategic Plan written up by Debra Reid this last July. I will not comment on this plan here, but only go into a few points that I believe to be especially important.

First of all, there is the issue of the regular functioning of the AIMA as an institution. Who is a member? How and by whom shall decisions be taken and confirmed? How shall we circulate information? These issues, and others, bring up many questions of details that may appear secondary, but which must be resolved, if we wish to be taken seriously by the national and international institutions (ICOM, FAO…) with whom we wish to cooperate. More generally, this vitally concerns the image we wish to present to others.

Secondly, I believe we must enlarge the framework of our congresses. Having the main theme chosen by the host country is a basic principle that we should in no case change. However, all scientific conferences offer their participants the opportunity to discuss other themes – either because of their topicality or for other reasons – in addition to the main congress subject. We should do the same thing. For each congress, we should propose time to take part in free-choice workshops, organized by theme groups on the subjects they choose – naturally, on the condition that these topics fit into the general framework of the AIMA.

Thirdly, and finally, we must be ready to discuss not only questions of history as such, but also everything that concerns the pragmatic operation of our museums: museological issues as such (collection, conservation, documentation of objects, educational aspects of exhibits…); the relations between museums and public institutions, with teaching and research, with farmers and their professional organizations, etc.; how various tasks can be shared out among museums, archives, libraries, collectors, databases… We could go on with this list, but I prefer to look at only a few examples, among many.

Allow me to come back to a point I believe is essential – comparison. For far too long, it was thought sufficient to appeal to a rather hasty evolutionism in order to understand the infinite diversity of the world’s agricultures. I do not in any way wish to minimize the importance of progress, quite to the contrary. But we must not forget that every agriculture possesses its own rationale, in the sense that these are functioning responses to the circumstances existing at a certain time and in a certain place. It is this rationality that we must endeavour to understand, and it is not enough to simply describe this or that form of agriculture well, we must be able to compare it to others. Being interested in the agricultures foreign to us is simply a necessity, in order to understand the heart of those we call our own.

Now, I shall come to my last point, which concerns the image of agriculture, both in the eyes of non-farmers and among farmers themselves. A century ago, everyone or nearly everyone was still either a farmer or a farmer’s neighbor. In our so-called developed countries today, agriculture has become an activity of such a minority that it is almost invisible, and especially young people know practically nothing about it. This has left the field open to one caricature after another, running from the backward country folk to the unscrupulous businessman who pollutes without a second’s hesitation. Fighting this kind of image in the public mind is more necessary than ever. But there is also the issue of the image farmers have of themselves. By refuting these caricatures, agricultural museums can help farmers retake the place in society that the reduction in their numbers has tended to take away from them.

In the forty-five years of its existence, the AIMA has acquired experience that we must not lose: this is the objective of continuity. But the world is changing and the AIMA must broaden the framework of its activities. It is this task that the Members of the Presidium, the Secretariat and I shall commit ourselves to.

Once again, I wish to thank everyone who has helped us to move the AIMA forward,

F. Sigaut